Ouverture pour la Causerie des Assises Debout
Texte de Y. Duriaux pour l’ouverture de la Causerie des Assises Debout Tela à Guéret le 15 sept. 2023
Texte pour l’ouverture de la Causerie des Assises Debout Tela à Guéret le 15 sept.2023
Il y a un peu plus d’une décennie, nous étions quelques un.e.s à dresser des constats alarmistes sur l’évolution de l’humanité et imaginer des scénarios, pas toujours très optimiste avouons-le, sur l’état de notre planète dans les années à venir. « ça va arriver… »
Si la majorité des concitoyens aimaient à se poser la question du « Oui mais quelle planète allons-nous laisser à nos enfants ? » cela faisait du plus bel effet à table lors de ces réunions de famille que vous connaissez sans doute, venant ainsi donner un p’tit coup de canif dans ce pacte implicite qui est de ne jamais parler de religion, de politique ni de syndicalisme à table afin de continuer à entretenir ces dites bonnes relations familiales ou ce qui compte, c’est qu’on s’aime.
Soulignons quand même que déjà, quelques un.e.s préféraient toute fois la reformulation proposée par notre ami Pierre Rahbi aujourd’hui hélas disparu « La vraie question sera plutôt, quels enfants allons-nous laisser à notre planète ? »
Tout ça pour rappeler à notre auditoire d’aujourd’hui que si hier on nous expliquait que nous allions collectivement dans le mur, force est de constater qu’aujourd’hui, nous sommes dedans ! « c’est arrivé ! » peut-on constater de BFM à CNews… de Libé à France Inter…
Crise écologique en 1er de liste avec la 5ème année de canicule hors norme et des températures dépassant pour la 1ère fois cette année les 45° en France, la 6ème extinction de masse des espèces en cours que l’on constate désormais à l’œil nu, une crise sociale et démocratique avec des conflits et des violences sans précédents dans notre pacte social « à la française » qui a remplacé les mots « liberté, égalité, fraternité » par des chiffres comme 49.3. Comme le disait le réalisateur Robert Guediguian dans son film « le promeneur du champ de mars » « en politique, les comptables l’emporteront sur les littéraires… » c’est chose faite, et les replis communautaires de plus en plus poignant au moment ou pourtant nous n’avons jamais eu autant besoin de nous rencontrer, parler et échanger pour trouver ensemble des pistes d’avenir car comme le disait Antoine de Saint Exupéry à une autre époque et dans un autre contexte « l’important n’est pas de le prévoir, mais de le rendre encore possible ».
Et c’est justement pour anticiper, sans se prendre pour des devins ni des Neustradamus, qu’une poignée de personnes, militantes ou pas, on il y a maintenant plus de 15 ans imaginé et porté le concept des Tiers Lieux en France.
Pas ceux de Ray Oldunrburg au Etat Unis dans les années 80 que l’on adore citer dans les conférences… et encore moins ceux de France Tiers Lieux aujourd’hui qui se joue plus dans des ministères que dans la rue, mais ceux de la configuration sociale illustré par Monsieur Antoine Burret ou « les Tiers Lieux sont une configuration sociale dans laquelle des personnes sans lien hiérarchiques venant d’univers différents, voir contradictoire, se rencontre et administre ensemble quelque chose. Qu’il s’agisse d’une recette de cuisine, d’un logiciel informatique ou d’un texte de loi. »
Mais dans les faits ces derniers mois :
- Manifestation pour une assurance chômage juste et équitable… les Tiers-Lieux n’étaient pas là
- Manifestation pour un droit à la retraite avant de crever sur une chaine de production, les Tiers Lieux n’étaient pas là
- Manifestation à Sainte Soline pour la non privatisation de l’eau par les marchands, les Tiers Lieux n’étaient pas là
- Manifestation entre Castre et Toulouse pour préserver des arbres centenaires face au pelleteuses de bétonneur, les Tiers Lieux n’étaient pas là
- Etc. etc. etc. ou sont passé les Tiers Lieux ?
C’est finalement au moment ou nous n’aurions normalement plus besoin de les définir mais plutôt de nous en servir que nos Tiers Lieux se sont dépolitisés, de son institutionnalisés au point d’en trahir leurs promesses originelles.
Et comme nous le rappelait déjà Nicolas Loubet ici présent « le grand soir n’aurait finalement hélas pas lieu ».
Alors voilà l’ADN des Tiers Lieux « à la Française », NOS, VOS Tiers Lieux qui sont d’abord ne le nions pas « ni le travail ni le domicile, un entre deux ». Puis rapidement « des lieux de rencontres improbables avec des gens improbables » jusqu’au moment où l’on comprend qu’à défaut de trouver la bonne définition ce qui compte c’est d’en comprendre l’émergence et surtout de se poser la seule et unique question qui est du sens « est ce que ce qui en émerge est finalement bon pour nous ? ».
C’est ce qu’une bonne partie d’entre nous réunit ici à Guéret ont essayé de répondre entre 2015 et 2017 à Saint Etienne avec l’exposition « Tiers Lieux Fork The World » organisée dans le cadre de la 10ème Biennale Internationale du Design don la thématique portait sur « les mutations du travail ».
Sans prétention ni rapport de force, nous avons cheminé à quelque un.e.s puis des dizaines nous ont rejoint, des centaines à la fin pour qu’au final des milliers, 400 000 visiteurs, puissent non pas comprendre les Tiers Lieux, mais tout simplement en faire l’expérience eux.elles même.
Et puis le temps s’est arrêté, les blessures se sont ré-ouverte, notre société est devenue de plus en plus folle, inhumaine on même dit certain.e.s, jusqu’à ce qu’une politique publique viennent aujourd’hui nous les confisquer pour « faire des Tiers Lieux des faire de lance de start up nation » comme nous avons pu le lire dans le rapport de la mission coworking de 2018.
Alors tel des Jedi réparti désormais au 4 coins de la galaxie, les Tiers Lieux ont peu à peu disparu et leur « pouvoir d’agir » à fait place à 4 murs et 1 toit pour prôner le « pouvoir d’être ». Dans une société de plus en plus individualiste et autocentrée pouvait-il finalement en être autrement ?
Et bien c’est tout l’enjeux de cette causerie que j’ai l’immense plaisir d’animer avec avec mon acolyte et ami Baptiste ici à la Quincaille, un des fair de lance des Tiers Lieux oui mais Libres et Open Source en France et acteur majeur du programme Pouvoir d’Agir en Tiers Lieux soutenu et porté par la Fondation de France. Merci à lui, à elle et bien sur a vous d’être venu nous rejoindre aujourd’hui : “Le Pouvoir d’Agir en Tiers Lieux… n’est-il pas déjà trop tard ?” Nous avons jusqu’à 18h pour en causer ! On passe maintenant au tour de table et la présentation de nos invités…
Par Yoann Duriaux (Animateur du programme PATL)